Cela fait grand bruit dans toute la presse : l’American Heart Association vient de publier un communiqué : « Le jeûne intermittent augmenterait de 91% le risque de maladie cardiovasculaire à long terme »
Quelle est la réalité scientifique derrière ce titre tape à l’oeil et ce chiffre impressionnant ?
Voici mes réflexions.
Qu’est-ce que le jeûne intermittent ?
Le jeûne intermittent consiste à limiter la plage horaire quotidienne durant laquelle on mange, tandis que l’on jeûne le reste du temps. Le plus courant étant le jeûne intermittent 16/8 : sur une journée de 24 heures, on jeûne pendant 16 heures (par exemple de 19h à 11h) et l’alimentation se fait sur une période de 8 heure (de 11h à 19h dans notre exemple). En général cela correspond au fait de sauter un repas, soit le petit déjeuner, soit le dîner.
Il n’y a aucune autre contrainte alimentaire, en gros, on mange ce que l’on veut pendant la plage horaire autorisée.
Cette pratique est à la mode car sur le terrain certains mangeurs y voient un moyen facile et efficace pour perdre du poids. Elle fait aussi l’objet de beaucoup d’études en cours.
Des études semblent montrer qu’il peut avoir des avantages sur la santé, notamment la santé cardiovasculaire (1,2,3,4), baisse des taux de triglycérides, de cholestérol sanguin, et de masse grasse sans affecter la masse maigre (6,7,8).
D’autres études mettent en garde sur cette pratique chez les femmes de par l’impact délétère qu’elle a sur les hormones féminines (oestrogènes, DHEA) (10).
Mais revenons à ce communiqué qui fait grand bruit ces derniers jours : « Une alimentation limitée dans le temps pendant 8 heures est associée à un risque 91 % plus élevé de décès cardiovasculaire ».
Regardons ce qu’il y a derrière ce titre tapageur.
J’ai regardé la publication originale sur le site de l’American Heart Association (AHA), voici mes observations qui vous aideront à décoder et faire votre propre avis :
- Tout d’abord, ce n’est pas une étude publiée, c’est un poster présenté par une équipe de chercheurs lors du dernier congrès de l’AHA. Un poster permet à des chercheurs de présenter et partager à la communauté scientifique leurs recherches et résultats en cours. Il n’y a pas encore eu publication d’un article dans une revue scientifique avec comité de lecture externe.
- On parle ici de recherche préliminaire ici, pas d’étude. Donc si on se base uniquement sur ce qui a été publié dans la littérature scientifique validée par des comités externes, les études sur le jeûne intermittent montrent des effets positifs à court terme sur les paramètres de santé ayant un impact sur la santé cardiovasculaire.
- La recherche présentée par ce poster au congrès de l’AHA a cette particularité de porter sur un long terme (durée médiane : 8 ans et une durée maximale : 17 ans) ce qui semble être une première dans le cas du jeûne intermittent.
- Cette recherche préliminaire a montré une diminution des décès par cancer, une augmentation des décès cardiovasculaires et pas d’augmentation ni diminution de taux de décès toutes causes confondues.
- Les auteurs déclarent eux-mêmes qu’il manque des données, comme l’horaire (matin ou soir), la qualité alimentaire, les écarts, est-ce que le fait de jeûner a un impact sur le type d’aliments que l’on prend ou d’autres facteurs comme le stress. Comme l’étude n’a pas encore été publiée, nous n’avons pas accès à l’ensemble des données.
- Ce n’est pas une étude à double cohorte. Les taux de mortalité n’ont pas été comparés à un groupe contrôle similaire. Ils ont simplement été comparés aux statistiques générales des USA.
- Une question que je me pose, c’est comment est-ce que les participants à l’étude ont-ils été choisis? Il n’y a pas les données sur le poster. Était-ce des participants qui faisaient déjà du jeûne intermittent? Ou quelle a été leur motivation pour participer à l’étude? Est-ce que les participants avaient déjà des facteurs de risque ou un surpoids au départ qui les a motiver à faire du jeûne intermittent ou à participer à l’étude?
En conclusion, cette étude présente des données qui sont incomplètes, peut-être biaisées, mais qui indiquent que cela vaudrait la peine d'investiguer d'un peu plus près les effets à long terme du jeûne intermittent sur la santé.
En ce qui concerne le Profilage Alimentaire, le jeûne intermittent ne fait pas partie des options proposées, car nous estimons manquer de recul sur ses effets, notamment l’équilibre hormonal féminin. Nous lui préférons la cure Stop & Go (semi-jeûne alterné) qui est une approche alimentaire validée par de nombreuses recherches et qui a démontré son efficacité à long terme et son absence de risque dans les études publiées.
1. Alternate Day Fasting Improves Physiological and Molecular Markers of Aging in Healthy, Non-obese Humans, Cell Metabolism, 3 septembre 2019.
2. Metabolic Effects of Intermittent Fasting, Annual Review of Nutrition, vol.37, 21 août 2017.
3. Fasting for weight loss: an effective strategy or latest dieting trend ?, International Journal of Obesity, vol. 39, 26 décembre 2014.
4. Less-than-expected weight loss in normal-weight women undergoing caloric restriction and exercise is accompanied by preservation of fat-free mass and metabolic adaptations, European Journal of Clinical Nutrition, vol. 71, 26 octobre 2016.
5. Impact of intermittent fasting on health and disease processes, Ageing Research Reviews, vol. 39, octobre 2017.
6. Flipping the Metabolic Switch: Understanding and Applying the Health Benefits of Fasting, Obesity, vol. 26, 31 octobre 2017.
7. Intermittent Fasting, Insufficient Sleep, and Circadian Rhythm: Interaction and Effects on the Cardiometabolic System, Current Medicine Reports, 19 juillet 2018.
7. Metabolic Effects of Intermittent Fasting, Annual Review of Nutrition, vol.37, 21 août 2017.
8. Fasting for weight loss: an effective strategy or latest dieting trend ?, International Journal of Obesity, vol. 39, 26 décembre 2014.
9. Less-than-expected weight loss in normal-weight women undergoing caloric restriction and exercise is accompanied by preservation of fat-free mass and metabolic adaptations, European Journal of Clinical Nutrition, vol. 71, 26 octobre 2016.
10. Effect of time-restricted eating on sex hormone levels in premenopausal and postmenopausal females, Obesity, octobre 2022
Merci pour ce complément d’information et cette clarification. Ca me tient à cœur de rester informer. Je pratique le jeune intermittent 16/8 depuis longtemps et je me sens bcp mieux comme ça.
Merci ce travail de recherche.
Belle journée.